بسم الله الرحمن الرحيم
Aimer le Shaykh pour le Shaykh ne signifie pas faire du Shaykh une fin en soi, l'aimer comme créature d'un amour inconditionnel et exclusif – ce qui serait quasiment du shirk (associationnisme).
Il n'y a pas le Shaykh d'un côté, qu'on aime en tant que tel, et ALLAH ﷻ : il n'y a que ALLAH ﷻ – et on n'aime que pour ALLAH ﷻ, en ALLAH ﷻ, par ALLAH ﷻ (que ce soit le Shaykh, ou les parents, ou les enfants, ou n'importe quelle autre créature...).
Le Shaykh n'est donc pas une fin en soi, qu'on aime à part, pour sa personnalité propre, pour sa qualité de Shaykh, pour son individualité, son physique, son éloquence...
Et on ne peut comprendre "aimer le Shaykh pour le Shaykh", que si on a bien compris que le Shaykh est éteint en ALLAH ﷻ ; ce qui revient alors à dire : "aimer le Shaykh pour ALLAH ﷻ", car on aime en lui La Présence d'ALLAH ﷻ – qu'on la ressente ou pas.
Et là intervient la notion de Yaqîn : c'est-à-dire que, n'ayant pas l'ouverture nécessaire pour percevoir La Présence d'ALLAH ﷻ (que ce soit en soi, dans le Shaykh, ou dans l'univers), on doit absolument avoir la certitude absolue que son Shaykh est bien un Walî réalisé et éteint en ALLAH ﷻ.
Car si on ne s'appuie pas sur cette conviction, on se fie à son ressenti, donc à son ego qui est trompeur* : car l'ego, c'est tout ce qui émane du corps et des sens (sensations, besoins...), et se fige en âme charnelle (Nafs) – car les sensations produisent des idées, les besoins des tendances..., et tout cela constitue, à terme, Nafs (c'est-à-dire cette âme liée à la matière, qui lui reste attachée durablement et faite, donc, de ses tendances, inclinations, passions, convictions...).
On perçoit donc le Shaykh avec son ego aveugle à la réalité divine (c'est-à-dire comme un homme normal), et Nafs transforme ce ressenti en jugement durable – savoir que le Shaykh n'est pas un Walî.
Et au mieux on le fréquente avec une mauvaise présomption (ce qui est déjà catastrophique), au pire on finit par le délaisser purement et simplement, puisque le ressenti de l'ego n'est pas satisfaisant.
Il s'agit donc de ne pas se fier à son ressenti, à son ego, de ne pas l'écouter, et de prendre le parti (et ça c'est le fait du libre arbitre) de croire fermement en sa Wilaya – même si on ne la perçoit pas ; et, partant de là, de l'aimer inconditionnellement, pour ce qu'il est (c'est-à-dire un Walî réalisé).
Ce qui implique, donc Yaqîn (certitude), et confiance totale ; et de ne pas poser d'exigences ou de conditions (ou du moins de les ignorer), qui ne sont en réalité que les besoins qu'a l'ego de ressentir avec les sens une présence divine dont il est incapable.
Car cela ne lui incombe pas mais revient à l'esprit divin (Ruh), à l'œil du cœur ; mais celui-ci est justement voilé, car c'est vers l'ego et les sens physiques qu'on est orienté : et on n'est pas le moins du monde attentif à la perception spirituelle.
Pour résumer "aimer le Shaykh pour le Shaykh", c'est l'aimer pour ce qu'il est vraiment et qu'on ne perçoit pas nécessairement, c'est-à-dire : un Walî réalisé éteint en ALLAH ﷻ.
Ce qui implique certitude et confiance absolue : on s'en remet complètement à lui ; c'est-à-dire : on lâche prise par rapport à ses sentiments et ressentis personnels.
Même si ça n'est pas facile, car l'ego a la vie dure...
*L'ego perçoit, ressent au niveau des sens : c'est le corps qui "lit" ; cette perception se transforme et se fige en idée, en conviction au niveau de Nafs qui se l'approprie : autrement dit, Nafs s'empare de cette perception et en fait une idée fixe et faussée (puisque ce qui est perçu par les sens, à l'inverse de ce qui est perçu par le cœur, est déformé et trompeur).
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